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Luc 13v1-9 : Drames et repentance

Drames et repentance dans Luc 13

Le monde est un enfer ; d’autant plus quand il se rapproche de nous et que les drames sont à notre porte. Quelle solution entrevoir pour essayer d’enrayer ces atrocités ? Jésus, face à des situations similaires que nous connaissons aujourd’hui, aborde la solution sous l’angle divin : la repentance. Cette réponse est étonnante et… semble passer à côté des problèmes ; ou alors c’est l’être humain qui n’entrevoit que des solutions mal adaptées. Nous n’allons pas considérer ce texte seulement par rapport à ce qui s’est passé avant-hier à Paris ; la réponse de Jésus est plus générale.

 1. Les faits, le drame de la tour de Siloé :

. Quelques pèlerins (venus de Galilée pour la Pâque à Jérusalem) ont été massacrés par les troupes romaines alors qu’ils étaient en train de faire des sacrifices dans le temple. Cet acte atroce avait été commandité par Pilate qui était tristement célèbre pour sa cruauté.

Jésus, après le récit de ce drame récent, rappelle l’accident mortel pour 18 personnes : la tour de Siloé, au sud-est de Jérusalem, assez proche du temple, s’était effondrée entraînant la mort de ces personnes. Un évènement plus ou moins prévisible, plus ou moins lié au hasard.

Ces 2 drames sont la conséquence de la cruauté humaine ou de l’origine naturelle.

. Le parallèle avec des situations actuelles est vite fait : la violence à Paris de la part de terroristes est insupportable. La tension au Moyen Orient est de plus en plus forte. Les persécutions dans beaucoup de pays parlent de cet enfer que connaissent des centaines de millions de chrétiens.

Et en parlant des évènements d’origine naturelle, les crues de ces derniers temps sont dramatiques. Nous pouvons également penser à des faits presque quotidiens pour des jeunes dont la vie s’est arrêtée contre un arbre ; ou à la maladie qu’on ne réussit pas à maîtriser.

 2. Quel regard porte Jésus sur ces drames ? Je vois plusieurs facettes dans la réponse de Jésus.

. A l’opposé de ceux qui racontent l’histoire des juifs massacrés dans le temple qui affirment que c’est Pilate le responsable, Jésus ne parle pas de cette vermine de gouverneur. C’est étonnant : jamais dans le Nouveau Testament il est question de l’élimination des romains comme solution à la terreur qu’ils semaient.

Aujourd’hui encore, le regard est dirigé vers les autorités qui sont, elles, responsables de tout ce qui ne va pas. Les Zélotes affirmaient : « Vivement la venue du Messie, en tant que chef militaire, qui nous délivrera des romains ! »

Dans la société – mais aussi dans les Eglises – on accepte cette conception : il faut éliminer ceux qui causent la terreur ; il faut éliminer la violence par la violence. « L’enfer, c’est les autres » : ce sont eux qui doivent être éliminés. Il faut un coupable… mais surtout pas moi.

Au contraire, quand Jésus dit : « Si vous ne vous repentez, vous périrez tous également », il affirme qu’il faut se laisser interpeler : nous participons, de près ou de loin, par l’attitude des générations qui nous ont précédées ou par notre silence et notre passivité, à ces vengeances qui nous détruisent, même longtemps après. Martin Nicmöller, un pasteur allemand, disait : « Ce qui m’inquiète, ce n’est pas le bruit des bottes, c’est le silence des pantoufles » ; ou encore Albert Einstein : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal mais par ceux qui les regardent sans rien faire ».

Je dois prendre conscience de cela pour comprendre les réactions violentes, condamnables à l’évidence, mais qui sont le mécanisme de l’engrenage de la vengeance (même si elles alimentent la violence qui est en chacun). Non, nous ne sommes pas que victimes.

Reconnaître sa part de responsabilité devant Dieu ne résout certainement pas la violence mais apporte un élément de justice par rapport à Dieu et permet de connaître son pardon, non son jugement.

. Mais surtout Jésus, à travers cette interpellation, s’intéresse, non à Pilate, mais aux meurtris, aux perdants de la vie. Il parle des victimes. Délibérément. Il pourrait disserter sur tous les responsables des malheurs de la société, sur les autorités sociales de Jérusalem qui auraient dû refaire le mur de soutènement de la tour de Siloé ; non pas qu’il faut « laisser faire, laisser braire » et baisser les bras, passivement, mais Jésus dirige les regards ailleurs.

Ces drames sont autant d’interpellations pour réfléchir sur les questions essentielles de la vie, c’est-à-dire par rapport à Dieu et à la vie éternelle avec lui ou sans lui. On peut discuter et même agir face au mal, mais si on ne résout pas la question pour soi-même, c’est une fuite. D’autant plus que la solution à ces évènements dramatiques touche l’individu en priorité. La tactique du diable est de viser la foule pour tuer l’individu ; Dieu veut transformer l’individu pour changer la société.

. Ce qui se dessine clairement dans la manière d’interpréter la mort de ces juifs massacrés par Pilate, c’est de dire : « S’ils sont morts, c’est qu’ils le méritaient bien ! Ils sont responsables de leur malheur. Ils ont péché certainement gravement et ils sont punis en conséquence ! » L’approche juive interprétait la maladie ou l’épreuve comme une preuve de péchés graves. Jésus montre que les vivants, qui sont bien installés dans leur propre justice, ne sont pas meilleurs que ceux qui sont morts.

Il faut se garder de se croire supérieurs parce que l’on est vivant ou en bonne santé ou heureux en famille ou dans l’aisance matérielle. Quelle attitude avons-nous vis-à-vis de ceux qui traversent des maladies ou d’autres épreuves ? « Ils l’ont cherché, qu’ils se débrouillent ! Ils récoltent ce qu’ils ont semé » ?

Mais Jésus, en interpelant les vivants qu’il a devant lui, prononce des paroles prophétiques : 40 ans plus tard (en l’an 70), il y aura la destruction de Jérusalem par les romains. Et donc s’ils se croient supérieurs à ceux qui sont morts à cause de leurs soi-disantes fautes graves, ils sont dans l’erreur et l’aveuglement : ils connaîtront le jugement s’ils ne se mettent pas en règle devant Dieu.

Attention à une attitude de supériorité de notre part : l’orgueil nous prépare au jugement de Dieu. Une attitude d’humilité devant Dieu est, comme toujours, la solution qu’il nous demande de vivre en priorité. Cela ressort de l’enseignement de Jésus : « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu, et le reste vous sera donné » (Mt 6v33). La priorité est dans le fait de se mettre en règle avec Dieu et non de chercher à résoudre les problèmes, soit personnels soit ceux que les autres provoquent.

. Une autre perspective que Jésus, me semble-t-il, vise est qu’il s’adresse aux vivants : il tire des enseignements pour ceux qui l’écoutent à partir des évènements passés. Les gens recherchent la cause de ces drames (et vu la réponse de Jésus, ils pensaient que ces personnes avaient péché) ; mais Jésus, au lieu de poser la question : « Pourquoi ? » réoriente la pensée en disant : « Pour quoi ? », c’est-à-dire : « Dans quel but ? ». Les uns regardent en arrière, Jésus en avant. Il est constructif dans sa manière de considérer le passé : il prépare l’avenir pour les vivants.

Bien des situations laissent des blessures, des culpabilités, des remords, des amertumes ; Jésus invite, non à les cultiver en rappelant la responsabilité des autres (ou de soi-même) mais en considérant le passé pour voir comment elles sont utiles pour rectifier la conduite, faire réfléchir sur les choses essentielles.

Jésus rappelle que tous mourront un jour ; l’important n’est pas de savoir si ce sera à 20 ans ou à 90, ni si ce sera dans un accident de voiture ou dans un lit, de maladie ou à cause des autres. Mais lorsque cela arrivera, où irez-vous ? Voilà la question à ne pas éviter !

Bien sûr, il est important d’essayer de résoudre le problème de la violence, de promouvoir la paix, de combattre le fléau de la consommation d’alcool et de drogue chez les jeunes, mais il faut surtout vivre l’essentiel : nous sommes tous logés à la même enseigne, nous mourrons tous, mais qu’en sera-t-il pour… moi ? La répétition de cette affirmation est salutaire : « Si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous, vous aussi » met le doigt sur ma position face à Dieu et non sur la responsabilité des autres.

3. Mais il est important de redéfinir ce qu’est la repentance:

Quand le fils, dans la parabole que Jésus raconte, revient vers son père, il le fait en s’humiliant et en reconnaissant sa misère, et en lui disant son désir de vivre avec lui, même comme le plus petit de ses serviteurs (Lc 15v17-24). Il n’y alors pas de jugement de la part du père : il l’accueille les bras grands ouverts.

La repentance est d’abord un changement de pensée, vis-à-vis de Dieu : c’est être convaincu de péché et reconnaître qu’on l’a offensé (c’est une conviction profonde et non seulement du bout des lèvres) ; c’est confesser ses fautes à Dieu : « Je te demande pardon, profondément » ; et c’est désirer vivre comme Dieu le veut (et sa volonté n’est pas à imaginer selon nos désirs : elle se trouve dans la Bible).

 

Mais vous pourriez faire remarquer : que vient faire l’idée de la repentance dans les atrocités commises, les conflits religieux, les guerres, ou les maladies et les accidents de la route ? Le rapport est direct : il y a un lien étroit entre la haine qui existe dans le cœur humain et la rupture avec Dieu ; il y a un lien étroit entre le vide que ressentent tellement de jeunes et d’adultes qui fuient dans l’alcool ou la drogue ou le sexe, et l’absence de relation avec Dieu.

Nombreux sont les exemples que nous pouvons citer où la rencontre avec le Seigneur a donné à la vie un sens qui a tout changé : les relations, les buts, les orientations. Seul un vrai retour à Dieu peut provoquer cela.

Bien sûr, cela aurait été formidable si Pilate s’était tourné vers Dieu (il en a eu l’occasion lors de la condamnation de Jésus) ; mais Jésus dit que l’essentiel, c’est chacun à qui il parle. Aujourd’hui et ici.

 

En conclusion de sa réponse, Jésus parle d’un figuier sans fruit. Le propriétaire veut le couper, mais le vigneron intercède pour cet arbre : « Attends encore une année… » (Lc 13v6-9). Jésus met l’accent sur la période de grâce qu’il accorde. Pour les juifs à qui il s’adresse, cette période où ils pourraient se repentir sera de 40 ans ; après cela a eu lieu la destruction de Jérusalem, parce qu’ils ne se sont pas repentis. « Le Seigneur n’est pas en retard dans l’accomplissement de ses promesses, comme certains se l’imaginent ; il fait simplement preuve de patience à votre égard, car il ne veut pas qu’un seul périsse : il voudrait au contraire que tous parviennent à la repentance » (2 Pi 3v9). « Nous vous en supplions, au nom de Christ : soyez réconciliés avec Dieu » (2 Co 5v20).

Jean-Ruben

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