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Renversements : la réussite de l’échec

L’enseignement de Jésus prend souvent à contre-pied et renverse le mode de pensée de ceux qui l’écoutent. Les juifs avaient une notion de la réussite basée sur la famille (mais Jésus ne se marie pas), sur le pouvoir (et Jésus monte sur un ânon), sur la richesse (et Jésus n’avait pas d’endroit où habiter) ; il est né dans une étable (alors qu’on attendait le Messie-Roi dans un palais) et il est mort crucifié, entre deux brigands (le contraire de la victoire pour le Messie).

Je vous propose quelques uns de ces renversements dont Jésus parle ; ils ont en commun de parler de ce que l’être humain croit être la réussite et de montrer ce qu’elle est pour Dieu.

Lectures : Matthieu 5v1-6, Matthieu 16v21-26, Luc 18v9-14

La parabole du pharisien et du publicain (Luc 18v9-14) :

Jésus prend le cas du pharisien qui connaît la réussite sociale ; sa vie est remarquable (en tout cas, remarquée) ; on peut estimer que, devant Dieu, il réussit : il obéit à la loi, lui ! Il a réussi dans la vie ; mais aux yeux de Dieu, il n’a pas réussi sa vie.

A côté, un pauvre type : il a juste réussi à… rater sa vie ; profession : publicain, c’est-à-dire être sous la botte de l’ennemi, les romains ; il était donc rejeté par les juifs. Il est dans le temple comme le pharisien ; mais lui est replié dans son coin ; il n’occupe surtout pas le devant de la scène : il ne manquerait plus que ça !! A l’opposé du pharisien…

Mais celui qui connaît aux yeux de Dieu la vraie réussite, c’est le publicain ; parce que ce que Dieu voit, c’est l’attitude du cœur.

Conséquence : il est accepté par Dieu qui lui pardonne, il connaît la paix qui découle de la réconciliation avec le Dieu qui est juste, saint, amour. Et Jésus conclut par une inversion : « Quiconque s’élève sera abaissé et celui qui s’abaisse sera élevé ». Le publicain a connu l’échec qui élève, la réussite de l’échec.

Le sermon sur la montagne (Matthieu 5v1-6) :

« Heureux ceux qui se reconnaissent pauvres spirituellement car le royaume des cieux est à eux » (Matthieu 5v3).

Jésus renverse la conception humaine et apporte une nouvelle dimension à la vie. Selon nous, le bonheur, la réussite sont quand tout va bien, quand on a une bonne estime de soi, quand on vit dans l’aisance matérielle, quand on est reconnu ; et Jésus affirme que c’est lorsqu’on vit pour et avec Dieu. Et pour connaître cette dimension profonde, il faut accepter de se reconnaître faible, pauvre, démuni devant Dieu. Le publicain reconnaît sa pauvreté intérieure devant Dieu et alors la conséquence est qu’il est ressorti « déclaré juste ».

La mission pour laquelle le Messie est venue ? « L’Eternel m’a oint pour guérir ceux qui ont le cœur brisé » : la paix qui en découle permet un épanouissement profond.

« Heureux… ceux qui sont tristes, affligés car ils seront consolés » (Matthieu 5v4).

Quelle affirmation déconcertante ! Ce message-là se retrouve dans celui de l’apôtre Paul quand il écrit : « Je me réjouis, non pas de votre tristesse, mais de ce que cette tristesse vous ait amenés à changer d’attitude. En effet, la tristesse qui est bonne aux yeux de Dieu produit un changement d’attitude qui conduit au salut et qu’on ne regrette pas » (1 Corinthiens 7v9-10). « L’Eternel m’a oint, dit Jésus en reprenant cette prophétie donnée sur lui par Esaïe, pour consoler les affligés » (Luc 4, Esaïe 61).

« Heureux… ceux qui sont humbles » (Matthieu 5v5) 

C’est le monde à l’envers ! Ceux qui réussissent, selon la norme de notre société, sont ceux qui se battent, qui ont la volonté du pouvoir. Mais en agissant dans l’humilité, on entre dans le plan de Dieu, on devient ce pourquoi on a été créé.

« Nous, nous disons : ‘Bienheureux les intelligents car ils hériteront l’admiration de leurs amis ; bienheureux les ambitieux car ils hériteront la prospérité ; bienheureux ceux qui ont du talent car ils auront du succès ; bienheureux les riches car ils hériteront une foule d’amis et une maison avec tout le confort moderne’. Mais Jésus prononçait là des paroles percutantes et révolutionnaires. Il faisait des déclarations absolument contraires à notre conception moderne du bonheur ».

Billy Graham (1918-2018)

Ce genre de réussite (se reconnaître pauvre devant Dieu) n’est pas naturel à l’être humain. Pourtant, aux yeux de Dieu, elle est nécessaire.

Pour nous, nous avons admis cela depuis longtemps peut-être : pour vivre avec Dieu, pour le connaître, il faut reconnaître sa pauvreté intérieure. Mais Paul nous fait réfléchir sur le reste de notre vie avec le Seigneur : « Comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui » (Colossiens 2v6). On peut manifester dans sa vie chrétienne une assurance spirituelle bien marquée ; en parlant de conversion, l’humilité devant Dieu est nécessaire mais pour la suite, c’est l’assurance dominatrice qui serait la preuve de l’action de Dieu dans la vie du croyant. Paul affirme au contraire: « Comme vous avez reçu Christ, marchez en lui ».

Humilité et pauvreté intérieure

Aujourd’hui, certains astronomes n’hésitent pas à dire que plus ils découvrent et plus ils se rendent compte qu’ils ne savent rien ; par exemple, Timothée Ferris écrit : « La diversité du cosmos est telle qu’il est probablement juste de dire que nous n’avons même pas commencé à l’imaginer et encore moins à l’observer ».

Certains savants ont l’humilité de reconnaître leur petite connaissance de l’univers ; et nous nous targuerions de connaître le Créateur et de l’enfermer dans une connaissance orgueilleuse… En tant qu’enfant de Dieu, comme l’astronome, nous avons commencé à le connaître (mais c’est déjà si grand !). Pour réussir à connaître Dieu davantage, il faut encore et encore de l’humilité.

C’est triste, si l’on réfléchit sur soi-même, de s’apercevoir que l’on peut être comparé à l’Eglise de Laodicée (Apocalypse 3) qui disait : « Je suis suffisamment riche, je n’ai besoin de rien » (v17). Le constat fait par le Seigneur était pourtant bien différent : « Et tu ne te rends pas compte que tu es misérable et pitoyable, que tu es pauvre, aveugle et nu ».

Par ma négligence à connaître la Parole de Dieu (où il se révèle à moi), je prouve que je pense le connaître suffisamment ; il y a des choses plus importantes à faire ! Mais alors, après coup, je me rends compte que je me refroidis, je deviens ce tiède, cet anémique qui a oublié qu’il faut se nourrir jour après jour pour grandir et progresser. Nous sommes en plein dans le sujet de la réussite de la vie : je suis sur terre pour connaître Christ et pour vivre pour lui.

Réussir sa vie est lié au fait de reconnaître ses limites, sa soif de Dieu, à ce désir de connaître cette joie de sa présence, de se nourrir spirituellement de lui, lui qui est « le pain de vie », « la source d’eau vive ». C’est l’échec quand j’essaye de trouver par mes propres forces ce dont j’ai besoin pour vivre la réussite.

Un autre renversement de Jésus

« S’adressant à ses disciples, Jésus dit : Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. Car celui qui est préoccupé de sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi, la retrouvera. Si un homme parvient à posséder le monde entier, à quoi cela lui sert-il s’il perd sa vie ? Et que peut-on donner pour racheter sa vie ? » (Matthieu 16v24-26).

Quoi de plus significatif que de gagner le monde pour parler de réussite !? Mais il y a plus important : c’est de sauver sa vie, d’avoir la certitude de la vie éternelle avec Dieu. Le moyen ? « Renoncer à soi-même, prendre sa croix et suivre le Seigneur ». Cela n’est certainement pas instinctif à l’être humain ; et c’est même contraire à notre logique : l’apôtre Pierre s’offusque logiquement envers Jésus qui vient d’annoncer sa mort : « Surtout pas ça, Seigneur !! Tu ne vas pas te sacrifier, quand même ! Mourir, non, avoir le pouvoir sur tout, ça oui ! » La mort à soi-même n’est vraiment pas une attitude normale.

En fait, prendre sa croix, c’est mourir à sa propre volonté, à ses désirs, pour rechercher la volonté de Dieu, l’intérêt des autres. Par exemple, en me mariant, j’ai pris ma croix… !! Ce qui signifie que j’ai décidé de plaire à ma femme, que je voulais mettre mes intérêts en veille. Malheureusement, depuis ce jour-là je ne l’ai pas toujours vécu. Mais quel épanouissement quand c’est réciproque ! Cela provoque alors le bonheur, la réussite.

Jésus a renoncé à tout

« Il se dépouilla lui-même, prenant la condition du serviteur. Il s’abaissa lui-même, en devenant obéissant jusqu’à subir la mort, la mort sur la croix » (Philippiens 2). Jésus a pris sa croix, il a renoncé à ses intérêts par amour pour moi, pour nous ; il m’appelle, il nous appelle à aussi prendre notre croix, à mourir à nous-mêmes par amour pour lui. En me perdant, dans ma vie avec lui, je me retrouve ; ce que je considère comme un échec (puisque je ne cherche plus avant tout mon intérêt) devient ma réussite.

J’ai tout intérêt à renoncer à vouloir réussir pour moi-même et par moi-même dans ma vie professionnelle, sentimentale, familiale, et à vouloir vivre tout cela avec et pour Dieu : « Seigneur, je renonce à chercher à me plaire, à gagner pour moi ».

Pourquoi Jésus enseigne-t-il cela ?

Parce qu’il sait que l’amour de nous-mêmes finit par détruire, nous et les autres, à cause de l’égoïsme et de l’orgueil. Quelqu’un disait : « Dieu connaît notre cœur insatiable dans ses désirs, avec ses prétentions sans bornes, ses révoltes dans les jours d’épreuve. Il nous avertit que les coups de la vie nous laissent brisés si nous sommes éloignés de Dieu. Ainsi, c’est à l’esclavage de nous-mêmes qu’il veut nous arracher ».

Le « moi » (que la pensée moderne vénère) ne conduit qu’à notre perte – même si c’est à long terme, parce que nous vivons dans l’illusion de la réussite par nos propres efforts. Se soumettre à Dieu, c’est vivre l’épanouissement qu’il veut nous faire connaître. La vie des apôtres a été une vie réussie ; leur enseignement se fondait sur cette réalité (qu’ils mettaient en premier dans leurs lettres) : « Esclave de Jésus-Christ ».

Pour eux, cela correspondait à un privilège. Paul écrit : « Tout ce en quoi je pourrais me confier, je le considère comme une perte à cause de ce bien suprême : la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur. A cause de lui, j’ai accepté de perdre tout cela, oui, je le considère comme bon à être mis au rebut, afin de gagner le Christ. Mon désir est d’être trouvé en lui, non pas avec une justice que j’aurais moi-même acquise en obéissant à la Loi mais avec la justice qui vient de la foi en Christ et que Dieu accorde à ceux qui croient » (Philippiens 3v8-11).

Tout dépend si nous cherchons une vie facile ou une vie réussie. La reconnaissance de notre échec est la base de la réussite. Mourir à une vision utopiste de soi-même est nécessaire pour connaître la réussite que Dieu veut pour nous.

Nous avons vu que Jésus renverse souvent la logique humaine ; peut-être estimons-nous que nous sommes dans une impasse, que rien ne va, ou que nous sommes passifs face à l’épreuve… ? L’évidence selon nous appelle l’échec. C’est oublier que la reconnaissance de mon incapacité devant Dieu et le fait de venir à lui dans la confiance sont le meilleur moyen pour connaître la réussite.

« Heureux ceux qui se reconnaissent pauvres spirituellement ».

Jean-Ruben (Message prêché en Octobre 2013 et mis en ligne en 2019)

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