Nous allons nous arrêter sur une réaction bizarre mais très humaine : nos pensées, nos paroles, notre comportement peuvent malheureusement être motivés par le sentiment de défense.
Textes du jour : Genese 21v8-13, Luc 22v54-62, Actes des apôtres 6v7-15
Quand un virus pénètre le corps, celui-ci réagit pour neutraliser l’intrus : c’est une réaction de défense. Cette réaction est heureuse et nécessaire ; Dieu fait bien les choses ! Mais ce sentiment de défense dans nos relations ne vient pas de la même origine bienfaisante… Certaines personnes (toutes ?) ont ce besoin instinctif de se justifier en attaquant, ou en fuyant, ou en mentant. Cette attitude peut déterminer la personnalité et détériorer gravement les relations.
L’enfant fait très rapidement appel à ce réflexe défensif : quand il se fait réprimander, pour ne pas être puni, il va se mettre à pleurer pour qu’au lieu d’être grondé, on se mette à le plaindre, à considérer ses pleurs plus que ce pour quoi on l’a grondé ; il se défend d’une manière déviée, indirectement. Si pour les adultes, la manière est plus subtile, elle n’en est pas moins condamnable.
Au travers d’exemples bibliques, nous allons nous arrêter sur les raisons d’une telle défense, les moyens employés et les conséquences, souvent dramatiques.
1. La défensive par l’accusation:
Adam et Eve (Ge. 3): Dieu pose une question à Adam, après qu’il ait péché : « Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? ». La réponse n’est pas celle qu’on aurait pu attendre (à savoir : « Oui, c’est vrai… »). L’instinct de défense lui fait répondre par une double accusation : « C’est pas ma faute… c’est la femme… que TU m’as mise près de moi » ; et Eve de surenchérir : « Et puis, y a plus coupable que moi : y a le serpent ! »
1) Le moyen employé ? L’accusation sur l’autre : ils projettent (Eve comme Adam), pour s’en sortir, la faute sur autrui. Il n’y a que… le serpent qui ne cherche pas à se blanchir en accusant les autres : il n’a pas besoin de croire devant Dieu qu’il pourrait être blanchi en reportant la responsabilité sur d’autres.
Aaron a la même réaction quand Moïse redescend du Sinaï et que le peuple adore le veau d’or : « C’est le peuple qui m’a donné l’or… Tu sais toi-même que ce peuple est porté au mal… » Il accuse les autres pour se défendre.
Nous nous défilons ainsi pour ne pas être confrontés à la réalité de notre péché ; nous essayons de détourner l’attention vers autre chose, vers quelqu’un d’autre pour amoindrir notre faute : « Mais tu as vu ce que, toi, tu as fait !?» ; « OK, mais lui il a fait pire que moi ! » Pour ne pas avoir à nous remettre en question, notre réaction est la comparaison en pensant qu’on est quand même meilleur que l’autre… Mais de noircir les autres n’a jamais blanchi qui que ce soit ; surtout aux yeux de Dieu.
2) Les raisons ? Nous refusons d’assumer nos actes. C’est la culpabilité qui déclenche cette défense. Quand on se sait fautif, on fait tout pour détourner l’attention vers autre chose, et à ça près avec une part de vérité. Preuve de la perversité qui est au fonds de notre être. Pour ne pas reconnaître notre faiblesse, pour ne pas avoir à nous repentir, nous fuyons en accusant. L’orgueil déforme nos réactions.
3) L’implication pour Adam est que ce système de défense n’a pas détourné Dieu de son péché : il a été condamné comme il le méritait ; et cela n’a certainement pas amélioré les rapports avec sa femme… La Bible dit : « C’est la personne qui pèche qui devra mourir » (Ez 18v4). Triste instinct défensif…
2. Autre réaction de défensive : le mensonge:
Sara (Ge. 18) : 3 anges viennent annoncer à Abraham qu’il aura un fils ; mais Sarah rit en entendant cela depuis sa tente. Se voyant dévoilée par l’ange, elle a ce réflexe défensif : « Moi ? Non, je n’ai pas ri… »
1) Le moyen employé est le mensonge ; sans bavure. Elle se rétracte au lieu de donner la vraie réponse. Cela semble tellement facile de mentir, au lieu d’être vrai en reconnaissant la réalité… « Une conduite tortueuse est alléchante » (Pro. 21v8).
2) La raison qui l’a poussée à réagir ainsi est la lâcheté. Pour ne pas être dévoilés, par peur d’être mis à nu, ne régissons-nous pas en mentant ou au moins en nous cachant pour nous sortir d’une situation difficile sans avoir à faire face à la vérité que l’on peut nous reprocher ? Même devant Dieu qui sait absolument tout, le péché nous fait réagir en nous cachant, comme Adam et Eve, comme David qui reconnaissait qu’il taisait sa faute et qu’il cachait ses torts (Ps 32v3 ; 5).
3) Quant aux conséquences, Sarah ne s’en sort pas du tout comme son système de défense le prévoyait : l’ange révèle son comportement et c’est d’autant plus humiliant pour elle.
Mais c’est vrai : devant les hommes, ça marche de mentir ! On s’en est quelques fois bien sorti ainsi… Mais cela ne prouve pas le bien-fondé du mensonge et va à l’encontre de la volonté de Dieu : la vérité et la droiture.
3. Le rejet:
Encore Sara (Ge. 21) : quand Isaac est sevré, lors de la fête (alors qu’Ismaël a 17 ans et Isaac 3 ans), « Sara vit Ismaël rire », et cette attitude soulève d’une manière blessante son problème : Isaac n’est pas le seul fils !
1) Quelle réaction manifeste-t-elle alors ? La haine, le rejet. Sa défense est de chasser la source de son problème, Agar et Ismaël : « Chasse cette esclave et son fils ! » (Ge 21v10).
Le rejet du conjoint, des enfants, des amis avec qui on a du mal à s’entendre est souvent, semble-t-il, la seule solution possible. Mais comment se blanchir quand, la plupart du temps, c’est motivé par une attitude condamnable ?
2) La raison est un esprit de jalousie et d’orgueil de la part de Sara. Elle est exclusive et ne peut supporter que ce qu’elle aime ; le reste ? Elle le chasse. Elle ne peut pas ou ne veut pas supporter ce qu’elle n’aime pas ou plus. Elle n’assume pas non plus les conséquences de ses décisions : c’est elle qui avait dit à Abraham d’aller avec la servante Agar (ce qui était une pratique culturelle à l’époque) pour qu’elle lui donne l’enfant qu’elle ne pouvait avoir ; et au lieu d’assumer les conséquences de ses décisions, elle rejette les personnes qui y sont liées. Parce que, maintenant qu’elle a un fils bien d’elle, elle peut comparer.
3) Les conséquences sont dramatiques : avant tout pour Agar et Ismaël (même si Dieu les a secourus) ; mais Sara, après le rejet, a demeuré avec son problème : les racines de sa réaction étaient toujours là. On n’est pas guéri pour autant, après le rejet… Quelle triste solution que celle de la défense par le rejet, plus ou moins subtil ou violent…
4. L’instinct de défense peut se manifester par la fuite :
Certains disciples qui suivaient Jésus depuis quelques temps, sont confrontés à un point de l’enseignement de Jésus qui leur pose problème : « Cette parole est bien difficile à accepter… Qui peut continuer à l’écouter !? » (Jn 6v60). Mais… difficile d’en parler directement à Jésus.
1) Alors le moyen employé est d’en parler derrière son dos : « Les disciples murmuraient entre eux ».
2) La raison est la peur : peur de se confronter directement à Jésus, peur d’être repris par lui. Quand le désaccord apparaît, la peur d’être remis en question (et on n’y tient pas) ou la peur de ne pas avoir les arguments déterminent notre comportement.
3) La réaction est facilement le repli sur soi ; les disciples se cachent, ils s’éloignent de Jésus. On pense qu’on n’aborde pas les divergences de front pour ne pas faire de vagues, cela peut être même au nom de l’amour, ou pour maintenir la paix entre nous. C’est plus facile de parler avec des personnes du même bord en aparté que de dialoguer ouvertement avec ceux avec qui on n’est pas d’accord.
Mais Jésus met au clair leurs sous-entendus, leurs « messes basses ». Et il répond devant tous. Lui veut avoir des relations limpides entre lui et ses disciples (comme entre lui et nous, et entre nous aussi). La réaction de ces disciples est une seconde attitude de défense par la fuite : « Plusieurs se retirèrent et ils n’allaient plus avec Jésus » (v66).
Dans notre relation avec Dieu, il est facile de le fuir : comment ? En ayant une religion de façade sans vivre une vraie relation avec lui, en ne lisant pas la Bible (ou en laissant de côté les passages dérangeants). Et dans nos rapports mutuels, on le vit en n’allant pas vers ceux qui dérangent, en n’ayant pas des relations basées sur la franchise.
Mais cela ne peut pas arranger les problèmes ; devant Dieu, c’est clair : « Celui qui cache ses fautes ne prospérera pas, celui qui les avoue et les délaisse obtient miséricorde » (Pr 28v13). Et dans nos relations avec les autres, le dialogue et l’écoute mutuelle règlent bien des désaccords. Fuir le problème, ce n’est pas le résoudre, c’est l’endormir seulement. Et cela crée une certaine hypocrisie dans les relations qui ne sont pas fondées sur la franchise et l’authenticité. Les premiers chrétiens vivaient, je pense, mieux que nous aujourd’hui cette dimension, lors de la conférence de Jérusalem, par exemple, pour régler une dissension grave (Ac 15).
5. La défensive, le mensonge mais aussi la repentance et le pardon:
Suivons l’apôtre Pierre (Luc 22) : Jésus va être condamné. Pierre le suit : il l’a juré ! Mais les gens sont curieux… On lui demande s’il ne serait pas un ami de ce Jésus. Quel dilemme pour lui : il est coincé, alors c’est l’instinct de défense qui prend le relais : « Moi ? Non ! ». A 3 reprises.
Devant les hommes, on peut tricher, les tromper sur soi-même, éviter les difficultés par le mensonge. MAIS… « le Seigneur, s’étant retourné, regarda Pierre. Alors il sortit et pleura amèrement ». Devant Dieu, impossible de tourner la vérité ; et Pierre se repent, il a mal de sa fausseté et de sa lâcheté.
Nous pouvons aussi nous repentir de ce réflexe de défense qui nous empoisonne la vie, et détruit nos relations. Ce regard de Jésus qui révélait à Pierre son péché a été aussi un regard d’amour et de pardon. Pour nous aussi.
« Seigneur Jésus, délivre-moi de la crainte d’être humilié, méprisé, réprimandé, oublié, ridiculisé, blessé ; et Seigneur, accorde-moi la grâce d’être honnête et droit devant toi et devant les autres, de reconnaître mes torts et mes faiblesses, our croître selon ta volonté et construire des relations solides dans ta vérité. »
Jean-Ruben