Savez-vous qu’en ce prochain 31 octobre 2017, se déroule un jour de commémoration important pour les chrétiens du monde entier, notamment pour ceux qui appartiennent au protestantisme ? Voici 500 ans, le 31 octobre 1517, sur la porte de l’église du château de Wittenberg un moine allemand, Martin Luther affiche 95 thèses et dénonce les scandales de l’église de son temps. Sans s’en douter, il jette ainsi les bases pour le protestantisme et est l’initiateur important pour la Réforme. Ce jour du 31 octobre est donc appelé : Jour de la Réforme et symbolisé par cette formule : « Sola Scriptura, Solus Christus, Sola gratia, Sola fide, Soli Deo gloria »
Pendant longtemps avant cet important jour du 31 octobre 1517, Martin Luther avait cherché avec désespoir une réponse à la question : « Comment puis-je trouver un Dieu miséricordieux, un Dieu de grâce ? ». A l’occasion du jour de la Réforme, je vous invite à suivre quelques réflexions fondamentales sur la grâce de Dieu. Car être pleinement conscient de l’immense profondeur et grandeur de la grâce de Dieu, peut nous aider à vivre et servir dans la joie, nous donner une confiance profonde dans notre vie. Mais pour que cela devienne possible il faut que nous soyons aussi pleinement conscient que nous avons tous, tous sans exception besoin de cette grâce.
Tous les jours de nouveau. Nous devons quasiment « respirer » cette grâce quotidiennement comme nous respirons l’air. Si nous arrêtons de respirer l’air, nous nous étouffons, nous mourons. Ne pas vivre pleinement de la grâce nous fait mourir également.
Sola Gratia : Le besoin fondamental de la grâce de notre Dieu
Intellectuellement beaucoup de chrétiens ont compris et accepté ce besoin fondamental de la grâce de notre Dieu. Et comme chez beaucoup de chrétiens il existe aussi chez nous des moments difficiles dans notre vie, où nous avons ressenti ce besoin de la grâce au plus profond de notre cœur.
Un cantique très connu exprime si bien notre besoin profond de la grâce de Dieu et la délivrance et la joie qui en résulte lorsqu’on l’accepte, lorsqu’on la vit pleinement dans son cœur : Ce cantique s’appelle Amazing grace, grâce incroyable, grâce étonnante…:
« Amazing grace, how sweet the sound that saved a wretch like me –
I once was lost, but now I’m found, was blind but now I see »Grâce incroyable, étonnante, quel son doux et agréable qui a sauvé un misérable comme moi,
J’ai été perdu, mais maintenant j’ai été retrouvé, j’étais aveugle, mais maintenant je vois…
Le texte pour ce cantique a été écrit par John Newton. John Newton a connu un bouleversement dramatique dans sa vie : Pendant de longues années il a été capitaine d’un de ces navires négriers qui ont transporté des africains capturés pour en faire des esclaves dans le « nouveau monde ». Après avoirs reconnu Jésus comme son Seigneur, il devient conscient de la profondeur de l’injustice qu’il a commise. Mais il comprend en même temps que la grâce de Dieu est valable et suffisante aussi pour lui. Il comprend que la puissance de la grâce de Dieu est réellement valable pour chacun, indépendamment de nos actes et de nos œuvres. Il se sent à juste titre coupable d’avoir participé à la misère et la mort de tant d’esclaves africains, mais il sent aussi que Dieu lui tend la main en offrant sa grâce merveilleuse.
Deux textes bibliques vont nous accompagner dans nos réflexions autour de la grâce :
De là étant allé plus loin, Jésus vit un homme assis au lieu des péages, et qui s’appelait Matthieu. Il lui dit: Suis-moi. Cet homme se leva, et le suivit. Comme Jésus était à table dans la maison, voici, beaucoup de publicains et de gens de mauvaise vie vinrent se mettre à table avec lui et avec ses disciples. Les pharisiens virent cela, et ils dirent à ses disciples: Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les gens de mauvaise vie? Ce que Jésus ayant entendu, il dit: Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez, et apprenez ce que signifie: Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices. Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. (Matthieu 9v9-13)
Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les oeuvres, afin que personne ne se glorifie. (Ephésiens 2v8-9)
Sola gratia : C’est par la grâce en effet….
Oui c’est la grâce et seulement la grâce de notre Seigneur qui nous rend juste devant Dieu. La grâce offerte par le moyen de la foi en Jésus. Solus Christus, sola gratia, sola fide : seul Christ, seul la grâce, seule la foi comme Martin Luther l’a formulé.
La Bible parle de la grâce, parce que tout ce que Dieu nous donne est totalement non-mérité. « Cela ne vient pas de vous » dit notre texte. Et ce don est pourtant si immense, si merveilleux ! Ce n’est pas ce qu’on appelle un gadget. Ce pour cela notre cantique parle de la grâce incroyable, de la grâce étonnante : Dieu a tant aimé le monde qu’il nous a offert son Fils unique Jésus, mort sur la croix pour nous afin que nous ayons la vie éternelle par la foi en lui.
Et ce Seigneur est avec nous tous les jours. Il nous protège, il guide nos pas, nous accompagne tous les jours de notre vie. Il intercède pour nous. Il nous donne le pardon de nos fautes. Il fait que nous puissions recommencer à O. Il nous relève lorsque nous sommes tombés. Il nous donne son esprit qui nous aide à changer et évoluer dans son sens. Il nous offre un avenir merveilleux en tant qu’héritiers dans son royaume car il a vaincu la mort. Et ce don immense, Dieu nous l’offre vraiment gratuitement :
« Que celui qui a soif, vienne, que celui qui veut prenne de l’eau de la vie gratuitement » (Apocalypse 22v17)
Sola Gratia : Ce n’est point par les œuvres afin que personne ne se glorifie
Par conséquent, toutes nos œuvres ne nous aident pas pour être sauvés, pour recevoir ce don merveilleux. Nos propres performances religieuses ou morales incluent même un certain danger de penser que nous avons à moindre mesure besoin de la grâce de Dieu. Il existe pour nous tous ce danger, souvent invisible, de vouloir nous « glorifier » (Ephésiens 2v9).
Oui, ce danger existe de vouloir nous confirmer nous-mêmes, et cela se passe souvent inconsciemment et même de bonne « foi » : Nous voulons suivre Jésus de tout notre cœur, nous ne voulons pas faire les choses à moitié, nous voulons que les autres autour de nous reconnaissent que nous vivons comme chrétiens de façon conséquente.
Et petit à petit s’établit un changement, il est presque indétectable au début mais il est réel. A la place de la grâce s’est mis notre performance : Le système service pour service. Je sers Dieu afin qu’il me serve. Non par intérêt ! Mais parce que cette façon de penser vit en nous tous, est incrustée en nous en tant qu’ être humain. Toute notre société est basée sur ce principe : Celui ou celle qui est performant, fort, est reconnu, a de la valeur. Alors nous essayons d’être performants aussi devant Dieu et devant nos frères et sœurs dans la foi. Et là où nous ne le sommes pas nous avons tendance à le cacher, devant les autres et même devant nous-même.
Ainsi la grâce est repoussée petit à petit dans l’arrière-fond de notre vie. Nous ne la « respirons » plus quotidiennement comme étant essentielle pour notre vie. Nous ressentons beaucoup moins ce besoin vital de la grâce de Dieu, parce que nous ne nous sentons plus comme un misérable devant Dieu comme s’est senti ce John Newton lorsque Dieu lui a ouvert les yeux au sujet de sa vie.
Sola Gratia : Sa grâce dans notre faiblesse
Et pourtant nous avons tous besoin sans exception de cette « amazing grace », de cette grâce incroyable et merveilleuse, car dans le fond de notre cœur nous sommes tous des gens défaillants, défaillants dans l’amour envers les autres, défaillants dans la patience, dans la bonté et la fidélité que Dieu nous demande. L’apôtre Paul le voit d’une façon très réaliste et sobre dans Romains 7v18-19 : « Car je le sais : ce qui est bon n’habite pas en moi, c’est à dire en l’être faible que je suis. Certes le désir de faire le bien existe en moi, mais non la capacité de l’accomplir. En effet je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas ».
Quelle façon honnête et sans peur de reconnaître sa propre faiblesse ce qui le mène justement sans détour à la conclusion en Ephésiens 2v4 : « Mais Dieu est riche en miséricorde et à cause de son grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos fautes, il nous a rendu à la vie avec le Christ – c’est par la grâce que vous êtes sauvés. » Prenons vraiment exemple à cette honnêteté de Paul de voir les choses telles qu’elles sont. Et comme nous le savons, Paul n’aurait pas manqué d’exemples de performances religieuses et morales pour prétendre de ne pas être si mal que ça !
Ne pas se baser uniquement sur la grâce de Dieu ce serait, ressembler à ce jeune plombier qui vient de passer son CAP et fait un voyage aux chutes de Niagara. En regardant attentivement les chutes quelques minutes il dit : je pense je suis capable de réparer la fuite….
Sola gratia : La grâce offerte aux plus vils des pécheurs !
C’est notre Seigneur Jésus lui-même qui nous encourage dans sa parole à être sincère avec lui, nous-même et nos frères et sœurs dans la foi en ce qui concerne nos faiblesses, nos défaillances dans le but de vivre d’autant plus sa grâce merveilleuse et de pouvoir évoluer positivement.
Lisons dans l’Evangile de Matthieu, 9v9–13 : En passant plus loin, Jésus vit un homme appelé Matthieu … C’est cela la véritable Bonne Nouvelle, l’Evangile : Jésus est venu pour les pécheurs, pour ceux qui sont exclus comme les péagers mais aussi pour tous ceux qui ont simplement reconnu qu’ils n’arrivent pas à être à la hauteur de ce que Dieu demande. Et le Seigneur ne désire rien de plus que nous tous, que nous le reconnaissions nous aussi. Sa parole dans Matthieu 9v13 dit qu’il n’est pas venu appeler des justes mais des pécheurs signifie que nous pouvons arrêter de nous mentir nous-même.
Le son doux de cette grâce étonnante nous empêche de devoir nous tromper nous-même. Il nous empêche de nier que la lutte qui se passe dans notre intérieur contre le manque d’amour, la jalousie, la discorde, la tentation, l’orgueil et bien d’autres faiblesses, est encore bien présent, bien que Jésus Christ soit vainqueur. En tant que pécheur sauvé je peux justement avouer que je suis souvent sans amour, plein de colère ou indifférent vis-à-vis de ceux qui sont mes prochains.
Quand je vais au culte je peux laisser à la maison ma « veste blanche « et dire ouvertement que j’ai encore échoué dans l’un ou l’autre point de ma vie. Dieu m’aime tel que je suis, il me connaît tel que je suis. Je n’ai pas besoin de faire de la chirurgie cosmétique spirituelle, pour me rendre présentable devant lui et encore moins devant ceux qui sont sur le même chemin que moi. Je peux justement accepter que ma déficience, mon impuissance à résoudre certains problèmes dans ma vie font partie intégrale de moi-même.
C.S. Lewis l’a exprimé comme suit dans un de ces livres : « Accepter la grâce de Dieu sans conditions c’est d’accepter comme un enfant joyeusement nos faiblesses et nos limites et de recevoir la joie qui vient d’une dépendance totale de notre Seigneur. ». Vous et moi nous sommes des êtres pleins de contradictions : Je crois et je doute, j’espère et je suis découragé, j’aime et je haïs, je suis plein de confiance et de méfiance, je suis honnête et je mens….
Vivre de la grâce de notre Seigneur signifie : accepter toute l’histoire de ma vie, le côté clair et le côté sombre. Attendre tout de lui : le pardon comme la force et la possibilité d’évoluer. Un enfant de Dieu n’est pas quelqu’un qui est bon mais un qui vit de la bonté de Dieu.
La grâce de Dieu veut dire alors : Tout est un cadeau qui vient de lui, notre Seigneur. Prenant ce cadeau à part entière. La grâce de Dieu nous libère pour la joie et la reconnaissance envers notre Seigneur. Elle nous libère aussi pour autre chose : être miséricordieux envers les autres. Notre Seigneur veut que nous rendions la grâce que nous avons reçu nous-même à ceux que nous rencontrons. Si nous sommes miséricordieux avec nos prochains, nous avons vraiment compris la grâce dans toute sa plénitude. Notre Seigneur s’en réjouira.
Que Dieu nous bénisse sur le chemin de Sa grâce. Amen.
Etienne Rudolph (Mise à jour d’une prédication du 31 Octobre 2004 à Agen)