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Marc 9v38-40 : Pourquoi tant de diversités d’expression de la foi que d’Eglises ?

Le contexte de ce récit nous permet de mieux le comprendre et de mieux saisir le sens de ces quelques versets. Au début du ch. 9 se trouve le récit de la transfiguration, moment fort vécu par seulement 3 disciples. Dans le même temps, en un autre lieu, il s’est passé un événement important. Les autres disciples, qui n’ont pas assisté à la transfiguration, ont été sollicités par un homme afin qu’ils guérissent son fils possédé. Les disciples ne sont pas arrivés à chasser le démon et c’est Jésus qui devra intervenir. Peu après, Jésus annonce à ses disciples sa mort et sa résurrection. Mais les disciples « ne comprenaient pas et craignaient de l’interroger », nous dit le texte.

Ces mêmes disciples discutaient entre eux à propos de savoir qui est le plus grand et ne répondent pas à Jésus lorsqu’il leur demande de quoi ils discutaient. Enfin, vient notre récit qui parle de cet homme qui chassait les démons au nom de Jésus sans suivre les disciples. Contexte utile, disais-je, pour la compréhension du récit ainsi que des attitudes des disciples et celles qui pourraient et peuvent être les nôtres aujourd’hui. Il y a trois versets dans ce texte et ils formeront les trois parties de ce message.

Vs. 38 : Jean rapporte à Jésus un fait qui s’est déroulé en dehors de la présence du maître. Dans la situation des disciples, il va de soi de rapporter des faits qui se sont passés sans le maître. Il s’agit d’une situation normale entre maître et disciples, entre formateur et formés…

Jésus, en tant que maître, a eu diverses attitudes pédagogiques : l’enseignement magistral, pensons au sermon sur la montagne ; il a aussi utilisé les questions-réponses : « qui dit-on que je suis… et vous qui dites-vous que je suis… ; à son enseignement théorique, il a joint des applications pratiques : les miracles et les paraboles; il a encore utilisé ce qu’on appelle la « pédagogie active » en envoyant 7O disciples 2 par 2 pour les laisser agir en son nom…

Notre récit s’inscrit dans cette dernière optique : les disciples ont agi d’eux-mêmes, pensant et sachant qu’ils sont dans la droite ligne de leur maître, sachant aussi qu’ils pourraient interroger Jésus quant à leur action. C’est donc ce qui se passe. Dans le contexte, nous avons appris que les disciples n’avaient pas pu chasser un démon et, ici, ils racontent à Jésus qu’ils ont empêché quelqu’un qui le faisait ! Jaloux les disciples parce que quelqu’un d’autre y arrivait et pas eux ? Le texte ne nous le dit pas. Ce qu’il dit, en revanche, c’est la raison pour laquelle les disciples empêchent l’homme de chasser les démons : « parce qu’il ne nous suit pas ». Cette raison est, à leurs yeux, une bonne raison. « Il ne nous suit pas », nous qui sommes avec le maître. Il y a une logique qui indique qu’on ne peut pas faire certaines choses lorsqu’on ne suit pas Jésus. Ceci apparaît de façon légitime : c’est comme s’il s’agissait d’un label qui permet de sauvegarder et de protéger de la falsification…

Sauf qu’ici, il y a un problème : c’est que cet homme chasse les démons au nom de Jésus. Il n’est pas dit qu’il aurait seulement essayé de chasser les démons, non il les chassait au nom de Jésus. D’une part, il arrive à faire quelque chose que les disciples n’arrivent pas à faire et, d’autre part, il ne suit pas Jésus et les disciples, tout en faisant du bien au nom de Jésus. Son action, qui est de faire du bien au nom de Jésus en libérant des personnes, est gênante parce qu’il ne nous suit pas, pensent les disciples.

Derrière le rapport que fait Jean à Jésus, se trouve une question importante : peut-on faire du bien au nom de Dieu sans être apparemment dans le noyau des disciples de Jésus ? A cette question, plusieurs réactions sont possibles. Réactions parce que certainement nous nous retrouvons plus ou moins en Jean et les autres disciples qui se réservent l’exclusivité du Seigneur, réactions parce qu’il y a assez de littérature qui met en garde contre les dangers des guérisons « extra-ordinaires »… Alors quoi de plus normal et essentiel que de se poser cette question ? Cependant cette question de pouvoir faire ou non du bien au nom de Dieu sans pour autant être du cercle des disciples, en cache ou peut en cacher une autre encore : celle de la légitimité des actions faites au nom de Dieu.

Je suis toujours à nouveau surpris de constater, lorsque je rencontre des responsables d’Eglises et des chrétiens d’autres Eglises, qu’il n’y a souvent pas de différences fondamentales quant à la foi en Dieu, mais qu’il y a plutôt des a priori de part et d’autre quant à l’expression de cette foi. Autant de diversités d’expression de la foi que d’Eglises ! Et ces a priori fondés sur le mode d’expression de la foi, nous servent davantage à nous exclure les uns des autres. Dans ce sens, nous pouvons avoir des réactions identiques à celles des disciples, réactions d’exclusion de personnes qui ne nous suivent pas, nous qui sommes avec le Seigneur !

Permettez-moi une question un peu impertinente : « Pourquoi êtes-vous dans cette Eglise ici, Eglise évangélique méthodiste d’Agen et non pas dans une autre ? Par et pour la tradition ? Parce qu’on s’y sent  bien ? Pour le méthodisme ? A cause des amis ? Parce qu’on y prêche la vérité, la seule et la vraie ?! Parce que… parce que… »

Allons plus loin dans la réflexion et voyons la réponse de Jésus, c’est la deuxième partie.

Vs. 39 . Jésus souligne ce qui pose problème aux disciples. Quelqu’un qui fait un miracle au nom de Jésus ne peut pas, littéralement, le maudire aussitôt après, il ne peut donc que le suivre. La réponse est logique et évidente. L’était-elle pour les disciples ?

Il existait à l’époque des personnes qui guérissaient plus ou moins miraculeusement. On sait que certains étaient de parfaits charlatans et d’autres guérissaient effectivement. Les religieux de la même époque n’aimaient pas ces personnes et préféraient soit les ignorer, soit les décrier en dénonçant les dangers et les excès tant sur le plan financier que celui de l’occultisme. D’ailleurs, Jésus s’est aussi fait mal voir par les religieux parce qu’il guérissait… Qu’importe ! Jésus explique à ses disciples que quelqu’un qui fait une chose au nom de Jésus ne peut pas être un adversaire. C’est pour cela que Jésus dit « ne l’en empêchez pas ». L’histoire ne nous dit pas si les disciples ont rattrapé l’homme pour s’excuser et lui permettre de continuer…

La réponse de Jésus, « ne l’en empêchez pas », doit nous interpeller et nous faire réfléchir quant à nos appréciations sur autrui. Qui sommes-nous pour nous mettre à la place de Dieu et  juger les actions  des  autres ? Bien-sûr nous sommes parfois amenés à prendre position, mais prenons garde à la manière dont nous le faisons. Bien-sûr, nous pouvons être conduits à devoir nous exprimer quant à des pratiques qui ne nous paraissent pas très claires ou douteuses, mais sachons nous placer devant Dieu pour qu’il nous guide jusque dans nos paroles pour ne pas condamner et exclure. Bien-sûr toujours, des personnes autour de nous vont nous poser des questions à propos de notre Eglise ou d’autres Eglises, ou encore à propos d’autres modes d’expression de la foi, mais demandons à Dieu de nous garder de tout esprit de critique négative, de supériorité, d’exclusion et de non-respect.

Les disciples ont cru bien faire parce que cet homme ne les suivait pas. Ils étaient mieux placés que nous pour le faire : ils étaient proches de Jésus. Seulement observons leur apparente difficulté d’accepter que l’on fasse du bien au nomde Dieu sans pour autant appartenir à la même « chapelle ».

En voyant leur difficulté, regardons la nôtre aujourd’hui dans un christianisme en faillite où chaque Eglise croit détenir la « vraie vérité » et où le mot oecuménisme crispe avant même que l’on sache ce qu’il signifie ! Que nous dirait le Seigneur si nous allions le trouver pour lui dire « Maître, chez les réformés, ou chez les charismatiques, ou chez les autres ‘…iens’ et ‘…iques’, ils font ceci ou cela en ton nom et nous les en avons empêchés ! »

Il n’y a pas là une invitation à une tolérance insensée qui accepte tout avec une pointe de fatalisme en disant que « Dieu reconnaîtra les siens ». Jésus nous invite plutôt à une tolérance intelligente et réfléchie, c’est-à-dire à une acceptation de l’expression de la foi d’autrui et, dans le fond, aimer celui qui vit une relation à Dieu différente de la mienne. Aimer cet Autre qui suit Jésus à sa manière, aimer cet Autre qui agit au nom de Christ et qui ne nous suit pas… Aimer l’Autre dans sa différence. Accepter aussi ce que Jésus dit quand il explique au vs. 4O, et nous en arrivons à la troisième partie : « En effet, celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».

Vs. 4O : Dans cette phrase est contenu un des grands thèmes de la Bible : celui de la non-neutralité. Devant Dieu, la neutralité n’existe pas. On est pour ou contre. Jésus est clair sur ces positions de pour et contre. Ainsi, que des personnes suivent le groupe des disciples ou non, pour Jésus la question n’est pas là : s’ils font du bien en son nom ils ne peuvent pas être contre, ils sont, par conséquent, pour !

Ces paroles de Jésus m’interpellent quand je regarde vers d’autres personnes se réclamant de Jésus Christ et agissant en son nom. Sans entrer dans des questions doctrinales parce qu’au-delà des doctrines et des dogmes, il y a des hommes et des femmes qui aiment le Seigneur. Alors qui suis-je pour empêcher ou essayer d’empêcher quelqu’un de faire du bien au nom du Christ ? L’Evangile de Jésus Christ nous appelle à une tolérance intelligente : d’abord aimer, ensuite aimer et puis toujours aimer ! John Wesley disait que l’on peut être sauvé avec des fausses doctrines, mais on ne peut pas être sauvé sans amour. Avant les doctrines, c’est l’amour qui prime, après les doctrines, c’est l’amour qui prime. Arriverons-nous à dialoguer même de doctrines avec d’autres, mais en restant dans l’amour ? C’est dans l’amour que le vrai dialogue entre chrétiens de différentes origines pourra s’installer : dialogue de compréhension, d’acceptation et de respect mutuels.

Celui qui agit différemment de moi, mais qui agit au nom du Christ, peut avoir une expression de sa foi différente de la mienne et donc ne pas me suivre ou nous suivre. Cela est quelque peu désécurisant, car cela bouleverse nos normes. Normes qui se veulent être bibliques, mais qui s’affirment cependant souvent au travers de notre ecclésiologie et de notre théologie, c’est-à-dire notre conception d’Eglise et notre compréhension de Dieu, concepts et compréhensions que nous avons bâtis selon notre grille de lecture de la Bible. On a alors des difficultés à accepter et respecter ceux qui font du bien au nom du Christ ailleurs et autrement que là où nous pensons que cela soit possible.

A l’instar des disciples, nous interrogerons le maître pour avoir confirmation quant à notre exclusion d’autrui pensant que nous avons raison. Ecouterons-nous le maître nous répondre ce qu’il a dit à ses disciples ?

Amen.

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