Lors de ces 3 jours exceptionnels depuis l’arrestation et la mort de Jésus jusqu’à sa résurrection nous pouvons constater bien des renversements bien surprenants. La stabilité du pouvoir juif et romain semblait une réalité inchangeable, tout comme le dévouement des disciples envers leur maître Jésus. Mais rien de ce que les êtres humains avaient prévu s’est accompli : parce qu’en fait ils ne maîtrisent pas les évènements et parce qu’ils ne connaissent que l’apparence, y compris d’eux-mêmes.
Les renversements et les surprises (heureuses) à l’occasion de la mort de Jésus soulignent le fait que la réalité est souvent différente de ce que l’on perçoit, dans le sens positif ou négatif et mettent en lumière sa souveraineté ainsi que son amour et sa puissance.
1) Renversements positifs à la mort de Jésus :
. Jésus est crucifié ; il est entouré de 2 malfaiteurs. 2 rebus de la société, rejetés par tous. Justement condamnés à mort. Pas de pitié pour les perturbateurs. Mais pourtant, un des 2 dénote par ses réactions, même dans les douleurs les plus atroces : il a une notion de la justice surprenante, une compréhension de la personne de Jésus et de sa vie qui forcent l’admiration, et une confiance en lui qui l’amènent… à être transformé. Le brigand devient un saint, non parce qu’il devient parfait mais parce que ce malfaiteur se repent profondément et s’abandonne à celui qui, lui seul, peut sauver.
. Jésus meurt ; abandonné de ses disciples qui lui avaient promis de le suivre. Et à ce moment, un homme manifeste concrètement l’engagement jusqu’alors secret pour Jésus : Joseph d’Arimathée. Sa discrétion jusqu’alors n’était certainement pas synonyme de lâcheté ; au contraire, il prouve son courage en allant vers celui qui a condamné Jésus. Il se dévoile ainsi comme un des plus ardents disciples de Jésus, lui un des chefs juifs. Il va jusqu’à donner son propre tombeau, par amour pour son Maître.
. Les romains avaient fait condamner Jésus ; ils l’avaient crucifié. Et voilà que leur chef, le centenier, confesse alors que Jésus vient de mourir : « Aucun doute, cet homme était vraiment le Fils de Dieu » (Matthieu 27v54). Quelle belle manifestation de cette vérité : « Les derniers seront les premiers ».
. Le centre de tout est Jésus. Sous certains aspects, il renverse les pensées humaines (« Mes pensées ne sont pas vos pensées et mes voies ne sont pas vos voies » Esaïe 55). A travers chaque fait, ce chamboulement bouleverse tous les acteurs de ces évènements. Le comportement de Jésus prouve sa divinité mais aussi sa profonde humanité :
- On attendait un Messie victorieux de l’occupant romain, il est attrapé comme un homme désarmé. Lui le Roi – et cela va être marqué sur la croix – sera considéré comme un déchet de la société. « Ainsi fut accompli ce que dit l’Ecriture : Il a été mis au rang des malfaiteurs » (Esaïe 53).
Le seul fait de mourir était impossible à concevoir pour les disciples, convaincus de sa divinité : quelques temps auparavant, quand Jésus avait annoncé sa mort et sa résurrection, Pierre l’avait fortement repris : « A Dieu ne plaise, Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas ! » (Matthieu 16). Impossible pour eux d’imaginer un tel scénario catastrophe. - Et puis après qu’il soit mort et enseveli, avec la pierre roulée, impossible d’imaginer que la mort ne soit pas la fin. Et les disciples tiennent les affirmations de plusieurs femmes qui ont vu Jésus ressuscité pour des rêveries…
Tout cela est bien renversant ; surtout pour les gardes quand ils ont vu l’ange « dont l’aspect était comme l’éclair » : « ils devinrent comme morts » !
2) Renversements négatifs à la mort de Jésus :
. Nous pensons tout de suite à Judas : voilà un disciple responsable : il se met au service de Jésus et des disciples en acceptant de s’occuper de la trésorerie ; il est soucieux de bien utiliser l’argent : quand Marie verse un parfum de grande valeur sur les pieds de Jésus, il s’insurge en pensant aux plus défavorisés : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum d’une valeur de 300 journées de travail… pour les donner aux pauvres !? ».
Et quand à Gethsémané il s’approche de Jésus, il l’embrasse ; la trahison cachée par l’apparente amitié… « Judas trahit le Seigneur par un baiser et non par une gifle. Dieu est plus souvent trahi par une affection polie que d’une autre manière ».
. Le grand prêtre a lui aussi une attitude renversante ; lui, la référence religieuse de tout un peuple… Caïphe condamne à mort le Messie, et cela par le biais de faux-témoins, de mensonges, en accusant Jésus de blasphémateur.
. Pilate, le gouverneur romain, se présente comme l’autorité suprême, qui a le pouvoir de vie et de mort. Il le croit. Il l’a si souvent prouvé ! On lui a donné tous les pouvoirs ; il y a cru. Il se croit maître de sa vie, de celle des autres. Mais quand Jésus parle avec autorité, sa position change et il veut le relâcher.
. Pierre est le disciple le plus engagé, le plus… dans beaucoup de domaines. C’est lui qui à 2 reprises l’a affirmé : « Quand il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai pas ». Le renversement est manifeste. Par deux fois il renie son maître : quel contraste entre les affirmations et la triste réalité… Non les disciples les plus zélés ne sont pas meilleurs que les autres.
. Thomas, un autre disciple qui a suivi Jésus depuis le début, incarne à la suite de la résurrection, le doute.
L’Evangile met le doigt sur la faillite, l’incapacité des plus engagés. Le centenier romain confesse sa foi face à la mort de Jésus, les disciples, eux, restent incrédules.
3) Les enseignements à tirer de ces renversements :
. On peut constater que la mort et la résurrection de Jésus ne laissent pas indifférent : les affirmations sont contredites, les positions changent. Ce sont les épreuves qui révèlent la vérité d’une personne. Quand tout est calme, on peut se persuader de ce que l’on veut croire ou montrer une apparence trompeuse ; mais dès que l’opposition se fait pressante, le revirement s’opère. Au contraire, d’autres sortent à ce moment de leur silence et de leur coquille.
Attention aux jugements hâtifs…
. Un jour, la vérité finit par éclater : on peut cacher aux autres sa nature profonde, on peut même se voiler à soi-même certaines tristes réalités, tôt ou tard, la vérité apparaît. « Il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu » (Matthieu 10). Sur la terre ou lors du Jugement dernier dans le ciel.
Quelques fois, il ne faut pas attendre très longtemps pour que la vérité éclate : pour Pierre, Jésus savait ce dont il était capable. Pierre, au moment de son triple reniement, se croyait seul ; mais, « le Seigneur s’étant retourné, regarda Pierre » (Luc 22v61) : pour le punir, l’écraser ? Le désir du Seigneur est de révéler la vérité pour aider, pour faire progresser.
Le regard posé sur Pierre le mène à une étape essentielle : une repentance profonde où il reconnaît sa faute face à Jésus et son incapacité à surmonter la tentation. Le pardon fait suite à la repentance, pour ensuite vivre au service de son Seigneur jusqu’au bout.
4) Et quels enseignements pour nous…
. Nous nous sommes peut-être retrouvés dans ces renversements ; on est quelques fois surpris de constater que la réalité est différente de l’apparence et que l’on peut connaître des revirements étonnants ; en négatif et en positif.
Plusieurs exemples dans l’Evangile nous invitent à considérer ceux qui semblent sur la touche par rapport à Dieu, comme des Joseph d’Arimathée ou centenier. Alors, à force de parler de réalité différente de l’apparence, on risque fort de se méfier de chacun, en se demandant ce que l’on peut cacher derrière une façade religieuse… La suspicion peut facilement s’installer vis-à-vis des autres…
Mais les avertissements de la Bible doivent rester présents à notre esprit, tels que par exemple : « Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber » (1 Corinthiens 10) ; et cela dans tous les domaines, suivant les circonstances traversées.
On peut se tromper sur les autres, se leurrer sur soi-même.
. L’œuvre accomplie à la croix veut nous faire connaître le renversement le plus extraordinaire ; alors que c’est un sujet de « scandale pour les juifs et une folie pour les grecs », elle est « la puissance et la sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés » (1 Corinthiens 1). Frantz Liszt disait : « La sagesse de l’humanité est dans la folie de la croix et son avenir est dans ce passé ». « La croix est un fardeau, comme les ailes de l’oiseau ; mais elles lui permettent de voler ».
Et pour posséder le salut (offert par Dieu), il y a le même paradoxe : pour avoir la vie, il faut mourir à soi-même ; Jésus a laissé cet enseignement si important à ses disciples : « Celui qui voudra sauver sa vie… la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera » (Matthieu 16). Et il ajoute ce que signifie « se charger de sa croix » : c’est renoncer à soi-même, pour vivre pour Dieu ; c’est mourir à ses propres efforts et naître de Dieu.
Quelqu’un disait, en soulevant un autre paradoxe : « Les personnes attachées à Jésus-Christ sont les seules à être vraiment libres ». Et pour la vie avec lui, jour après jour, c’est le même principe essentiel ; Paul l’avait compris : « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Corinthiens 12), c’est-à-dire : quand je reconnais ma faiblesse, je dépends alors de la force que le Seigneur donne.
Augustin disait : « Aurais-tu peur, en te donnant, de te perdre ? Tu te perds, au contraire, en refusant de te donner ».
Si Christ est mort, c’est pour nous faire connaître la communion avec Dieu, par le pardon qu’il offre à celui qui reconnaît sa pauvreté. Si Christ est ressuscité, c’est pour nous faire connaître la puissance de sa vie.
Jean-Ruben