L’image de l’escalade d’un rocher a quelque chose d’excitant !… Depuis son fauteuil,… l’aventure est moins risquée. Drôle d’aventure que la vie : pour ce qui nous reste à parcourir, vu ce qui nous reste à gravir, l’ascension peut faire peur. Les difficultés sont là, multiples, imprévues. A certains moments, nous sommes devant un mur impossible à franchir. Nous pouvons même être coincés.
Dans la vie, cet aveu peut conduire au découragement. Chez le roi David, il conduit à l’attente en Dieu ; il fait monter un psaume de prière à celui qui l’a souvent délivré de voies infranchissables ou qui paraissaient sans issue. « Conduis-moi sur le rocher que je ne peux atteindre » (ou inaccessible, que je ne peux gravir, qui s’élève loin de moi). Reprenons à l’envers les 3 éléments de cette prière.
1) « Inaccessible ! »
C’est l’aveu chez David qui estime ne plus pouvoir continuer à grimper ; c’est au-delà de ses capacités. Mais est-ce aussi inaccessible que cela dans certaines circonstances ?
. En réfléchissant un peu ou en ne voyant pas le Seigneur répondre à notre prière, nous nous rendons peut-être compte que nous devrions dire plutôt à Dieu : « Conduis-moi sur ce rocher que je ne veux pas atteindre » ; parce que nous prenons conscience de notre paresse morale et spirituelle. Comme chez beaucoup de personnes, parmi les chrétiens il y a ceux qui ont la volonté mais pas le courage, et d’autres qui ont le courage mais pas la volonté…
« Seigneur, délivre-moi de telle mauvaise habitude » ; mais au fond, je ne le veux pas réellement. J’aime cette habitude ; je peux même avoir en horreur tel comportement (par exemple, la colère ou l’inquiétude) mais je m’y accroche si bien que je ne peux avoir pleinement foi dans l’intervention de Dieu. Et puis ainsi, ma prière me permet de faire bonne figure (déjà envers moi-même) : je peux accuser quelqu’un si je ne change pas ; je ne suis pas responsable de ce que je vis puisque j’ai demandé à Dieu de me changer… Je suis sans cesse tenté de juger comme inaccessible le rocher où je dois aller, parce que c’est plus facile ainsi. L’impossible est souvent ce qui n’a pas été tenté.
. Attention également à ne pas réclamer l’intervention de Dieu là où il me demande d’agir : il ne me propose pas une démission des facultés qu’il m’a accordées pour faire face à ce qui me paraît inaccessible. Au lieu de demander à Dieu de m’aider à grimper sur ce rocher qui me semble inaccessible, je dis facilement : « Seigneur, fais le travail ; permets-moi de goûter la paix, la tranquillité de mon fauteuil et de mon confort ; merci pour cette bénédiction »…
On peut réagir en disant : « J’ai foi en l’action de Dieu pour que cette montagne soit déplacée ! » Mais peut-être l’a-t-il placée à cet endroit, non pour que je l’évite ou qu’il la supprime mais pour que je la gravisse. La tendance, trop fréquente à mon avis, est d’apporter ce message : « Vous avez des épreuves ? Des ennuis ? Dieu va les supprimer ! » Mais, à l’image d’une société de démission, les chrétiens peuvent être modelés par cette pensée. Le dentiste a de plus en plus les moyens de ne pas faire souffrir ; et Dieu, lui qui est le Tout-puissant, nous laisserait supporter dans la douleur des difficultés qui sont sur notre route… ?
S’il est compréhensible et normal de demander à Dieu la suppression des difficultés, il n’est certainement pas dans sa pensée que nous l’exigions ni que nous en fassions le modèle-standard de son action.
Le but de l’ascension dans la vie chrétienne est magnifique (sauf si nous l’avons perdu de vue…) ; mais le chemin pour y arriver l’est certainement moins. Jésus a averti ses disciples : « Difficile est le sentier qui mène à la vie ! » (Mt 7v14). « Vous aurez des tribulations dans le monde, mais prenez courage, j’ai vaincu le monde ! » (Jn 16v33). En devenant disciple de Jésus-Christ, je peux être certain que l’ascension sera plus difficile que le fait de rester dans la plaine.
. Autre chose : je crois quelques fois inaccessible la suite du chemin alors qu’en définitive je ne peux plus avancer parce que j’ai peur. Un ami faisait de la montagne dans le Queyras et il s’est retrouvé bloqué contre le rocher pendant 2 heures sans pouvoir bouger ; il était pétrifié par le contact avec le rocher…
Un domaine où facilement nous sommes pétrifiés, c’est le témoignage (et ne croyez pas que vous êtes le seul à l’être) ; le Seigneur répond à Jérémie qui disait : « Seigneur, je n’ai pas la parole facile ; je ne suis qu’un enfant… », « Va, et tu verras ; ne crains pas » (Jr 1v6-8).
. Alors, l’autre prière qui me semble indispensable est : « Seigneur, donne-moi le discernement pour que je ne me trompe pas vis-à-vis de moi-même, ni dans les demandes que je t’adresse pour que je ne juge pas inaccessible un but qui me ferait alors démissionner. Et s’il est vraiment insurmontable, que je compte sur toi pour me conduire ».
2) Quel est ce rocher ?
Quels domaines de la vie sont ce rocher inaccessible ? Dans la première partie, nous avons opté surtout pour les difficultés auxquelles nous devons faire face. Mais vu le contexte de ce Ps 61, l’ascension de ce rocher est ce qui détermine la victoire. Dans les Psaumes en particulier, le rocher est Dieu. Au v2, David parle de son désir d’être en communion avec Dieu ; au v5, sa soif est de connaître sa présence constante. Mais cela lui est inaccessible.
Il a alors cette prière où il s’attend à Dieu uniquement pour rendre possible cette présence.
David exprime le contraire de ce que des milliards d’êtres humains croient aujourd’hui encore : à savoir vouloir atteindre Dieu par ses efforts personnels. Mais cela est impossible. Dieu est inaccessible par nous-mêmes.
Or, c’est le principe essentiel de toutes les religions : on pense mériter la présence de Dieu par les efforts humains.
David, au contraire, s’attend à Dieu parce qu’il reconnaît qu’il ne peut pas par lui-même accéder à ce Rocher. Et pourtant, c’est cela qui lui importe, parce que Dieu est son refuge, une tour forte qui lui assurerait alors la victoire contre ses ennemis.
Dans le Psaume suivant, il appuie cette affirmation : « Oui, c’est Dieu qui est mon rocher et mon salut » (Ps 62v7). Il associe les 2. Il est impossible d’accéder à la vie éternelle avec Dieu par soi-même ; c’est un leurre complet.
Mais voilà, pour arriver à ce rocher inaccessible, à cette communion profonde avec Dieu, certains éléments risquent d’entraver ce but.
– Il est impossible par soi-même de connaître la paix intérieure, surtout dans des circonstances lourdes. Celui qui est la Paix (Jn 17v27) m’invite à aller à lui pour recevoir ce qui est inaccessible par moi-même : « Conduis-moi sur ce rocher que je ne peux atteindre ». « Attache-toi à Dieu et tu auras la paix » (Job 22).
– La souffrance, les échecs me laissent si vite démuni ; quel privilège de pouvoir compter sur le Rocher pour les surmonter ! Avec une certitude inébranlable, l’apôtre Paul peut affirmer : « Qui nous séparera de l’amour de Christ ? Sera-ce l’angoisse, les tribulations, le péril ? J’ai l’assurance que ni la mort, ni la vie, non, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur » (Ro 8v37-39). Ces circonstances éprouvantes dont Paul parle rendent difficile l’ascension pour atteindre Dieu le Rocher. « Alors, Seigneur,… »
– Les autres peuvent enrayer l’ascension de ma marche avec Dieu : David cite souvent ses ennemis qui le poussent à bout ; les attaques d’ennemis (ou d’amis) nous minent profondément et touchent notre vie spirituelle, nous font reculer dans notre marche avec le Seigneur ; les blessures causées par le comportement des autres nous détruisent. « Alors, Seigneur, aide-moi à progresser malgré tout vers toi ; que ta paix surpasse le mal reçu et les injustices ».
– Ce qui m’empêche de progresser vers le sommet en restant dépendant de Dieu, c’est le péché qui est en moi ; il me bloque dans mon ascension, il m’englue dans ma marche, dans mon témoignage. « Mon Dieu, délivre-moi de ce qui m’empêche d’aller plus haut vers toi. Délivre-nous du mal ; ne nous abandonne dans la tentation » : c’est Jésus qui nous invite à prier pour que nous puissions connaître la délivrance de ces passions qui nous détruisent.
Surtout, il s’agit de ne pas me tromper de but : ce dont j’ai besoin pour atteindre le but, c’est de vivre en communion profonde avec le Seigneur. Le reste en découle ; la victoire sur les épreuves, sur le péché ne précède jamais une communion vraie avec lui. Il ne s’agit pas de retomber sous une nouvelle loi où ce serait le comportement qui détermine la relation avec Dieu ; ce serait mettre la charrue avant les bœufs. Pour atteindre le sommet inaccessible, pour connaître une vraie libération, il faut vivre une communion étroite avec Dieu.
Quelqu’un a dit : « Je ne suis pas séparé de Dieu parce que je pèche. C’est l’inverse : je pèche parce que je suis séparé de Dieu ». Le rocher à atteindre n’est pas une pureté parfaite en premier lieu, mais une communion constante avec Dieu. C’est cela qui détermine la sanctification, une vie vécue selon la volonté de Dieu. La prière de David est axée sur une vie de relation avec Dieu.
C’est là que Paul insiste si souvent en citant une expression qui peut-être ne veut pas dire grand-chose pour nous : « En lui », c’est-à-dire « dans l’union avec lui ». Voilà qui est primordial ! C’est l’amour pour le Seigneur et la communion avec lui qui nous font progresser et non l’observation de la loi de Dieu. C’est notre position en lui qui nous fait surmonter les obstacles inaccessibles pour nous et non nos bonnes résolutions et nos œuvres bonnes.
3) Certitude alors : Dieu conduit.
A la prière : « Seigneur, conduis-moi », Dieu répond. Les difficultés seront encore et toujours présentes ; mais lui ne me laissera jamais seul dans cette ascension qui ne prendra fin que lorsque je serai avec lui dans le ciel. Il conduit jusqu’au sommet ; pour cela, nous avons besoin de persévérance. Mais même pour cela, plusieurs versets nous encouragent : « Il vous affermira jusqu’à la fin, pour que vous soyez irréprochables au jour de notre Seigneur Jésus-Christ ». A 15 ou à 80 ans, Dieu conduit et aide à progresser. C’est un guide qui reste présent à nos côtés.
Est-ce que nous sommes encordés avec lui ?
Cette prière de David met le doigt sur ce qu’il est : il se sait incapable d’arriver au but. Paul aussi a dû passer par un brisement et la reconnaissance de sa faiblesse… pour alors connaître la force de Dieu (2 Co 12) ; c’est dans cette dépendance de Dieu que l’on peut avancer jusqu’au sommet.
Un professeur écossais, Georges Smith, escaladait le Weisshorn, dans le Valais en Suisse ; à la fin de l’ascension, sur l’arête finale, le guide le laisse passer devant. Mais un vent violent faillit le renverser ! « Monsieur, lui dit le guide, ce n’est qu’à genoux que vous pouvez être en sureté ici ». Le Seigneur nous dit, comme il l’a dit à Paul : « Ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (2 Co 12v9). « Heureux ceux qui se reconnaissent pauvres en eux-mêmes car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5v3).
Jean-Ruben
Il est mon roc, ma force ; Il me relève quand je suis courbée et me dis « prends courage »! Dieu soit loué
Très édifiant
Merci pour vos encouragements.